La poudrerie nationale existe depuis le XVIIIème siècle. Elle a d'abord pris racine près du centre-ville actuel, dans le quartier de Tounis au bord de la Garonne et a progressivement migré vers le Sud de la ville, en passant par l'île du Ramier, les terrains du pôle chimique actuel et le secteur de Braqueville, face à l'"asile d'aliénés" avec une emprise au Sud jusqu'au domaine des Sables d'Auzun.

Plus la ville grandissait, plus la Poudrerie Nationale s'éloignait.

Lors de la première guerre mondiale, elle fut en pleine activité de production de poudres pour les obus et les autres armements qui partaient en masse vers le front.
L'essor géographique de tout le secteur de Braqueville commença à cette période et justifia non seulement des usines de production mais également des sites de recherche et de stockage.

Le site www.academie-des-armes-anciennes.com/indtoul.html présente quelques informations sur cette période de production intense d'armements à Toulouse.

A l'automne 1914, au moment où les Allemands stoppés sur la Marne s'enterrent dans leurs tranchées, l'expérience des premiers combats annonce une guerre longue et coûteuse en hommes et en matériel. Il faut trouver dans le pays les ressources nécessaires à la poursuite du conflit et fabriquer des quantités énormes de munitions. A Toulouse, les ouvriers métallurgistes qui n'ont pas été mobilisés se trouvent en chômage, les tours sont arrêtés et les usines ont fermé leurs portes.
En 1915, les élus locaux, encouragés par les inspections de Clémentel, Ministre du commerce et d'Albert Thomas, futur Ministre de l'armement, décident de mobiliser les industriels toulousains et de concourir à l'effort exigé par la Défense nationale. La dépendance de l'étranger pour les fournitures de guerre est dans l'impasse et il faut trouver sur place les moyens de produire les armes et les munitions que la situation de guerre exige.
En mars 1915, débutent les travaux d'agrandissement de la poudrerie, de l'arsenal et de la cartoucherie. Dans un même temps, l'inspecteur général d'Audibert, délégué à Toulouse, installe dans la ville de nombreux ateliers de confection, destinés à la fabrication d'uniformes et de chaussures pour l'armée. L'industrie aéronautique, centralisée en région parisienne, accepte à son tour d'abandonner son monopole et favorise l'installation dans la ville rose d'unités de fabrication qui mettent en oeuvre les moyens de produire des cellules d'avions, des moteurs et de nombreuses pièces détachées destinées à la nouvelle armée de l'air. A l'instigation de nombreux entrepreneurs l'industrie toulousaine réouvre ses sites de production et réoriente ses fabrications vers la fourniture de matériels de guerre.


Poudrerie Nationale en 1914-18 vue depuis les coteaux nord de Pech David.


LA SOCIETE ANONYME DES FERRONNERIES DU MIDI

Cet établissement spécialisé, avant guerre, dans la ferronnerie de bâtiments, la boulonnerie et l'ameublement des pensionnats et des hôpitaux, a son siège social rue du Béarnais. Sous l'impulsion d'Albert Bedouce, député de Toulouse, cette société dirigée par M. Robert, va mettre tous les moyens dont elle dispose au service de la défense nationale. Elle produit tout d'abord des gaines relais pour l'artillerie, en collaboration avec un groupe de quatorze industriels de la ville, puis entreprend l'usinage d'obus de 120 en fonte ordinaire. A la demande du gouvernement elle produit par la suite des obus de 95 et de voiture légères d'outils Mod. 1909. La demande est telle que le directeur doit compléter ses effectifs avec les mutilés de guerre en traitement dans les divers hôpitaux de la ville. Mais les 125 blessés employés à ces travaux sont vite dépassés par les commandes et les femmes toulousaines entrent alors dans l'usine, pour remplacer la main d'oeuvre masculine qui fait défaut.


Atelier de fabrication d'obus de la SA des Ferronneries du Midi.




Atelier de fabrication d'obus de la SA des Ferronneries du Midi.


LES ATELIERS DOMINIQUE RIEU & CIE

Représentant des grandes firmes métallurgiques de la région, Dominique Rieu est mieux placé que quiconque pour prêter aux initiatives naissantes le concours de sa grande expérience et de son activité. Il regroupe autour de lui trois des meilleurs fondeurs de la région : MM. Théophile Fabre, à Maubourguet (Hautes-Pyrénées) ; Jacxalde frères, à St Paul-les-Dax (Landes) et Dechaumont, à Muret (Haute-Garonne). La production de ces fonderies est transformée à Toulouse, dans les ateliers de la rue Raymond IV, où sont usinés et directement livrés aux services techniques de l'armée des obus en fonte A. de 155. Les ateliers Dominique Rieu et Cie, ingénieusement installés pour une production intensive, vont procurer pendant toute la durée du conflit un travail rémunérateur à plusieurs centaines de familles ouvrières.


Atelier Dominique Rieu


LES ETABLISSEMENTS AMOUROUX FRERES

Les usines du Pré-Catelan, fondées, en 1890 par Pascal Amouroux en vue de la fabrication d'outillage agricole, s'empressent de répondre à leur tour aux sollicitations du gouvernement. Après quelques aménagements, elles assurent rapidement la fourniture de gaines relais pour obus, d'obus de 90 en fonte ordinaire, d'obus de 95 en fonte aciérée, de caissons à munitions, de voiturettes porte-mitrailleuses et porte-munitions, de chariots fourragères et de chariots de parc. Leur activité incessante va contribuer de façon appréciable au ravitaillement en matériel et en munitions de nos armées en guerre.


Atelier des établissements Amouroux-Frères.


LES ATELIERS DU LANGUEDOC

Fondés en 1917 par M. Fromassol, les Ateliers du Languedoc vont reprendre en les modernisant les activités des anciens ateliers Bonnet qui dataient de 1802. Pendant la guerre de 1870, les frères Bonnet avaient déjà oeuvré pour la défense nationale en hébergeant dans leur établissement toulousain une partie des ateliers de l'arsenal de Bourges. Les nouveaux ateliers du " Grand-Rond ", animés par un personnel compétent, orientent rapidement leurs activités vers la production de machines à fabriquer des cartouches, des laminoirs à cordeau détonnant, de nombreuses pièces mécaniques et une quantité d'obus en fonte de calibres divers.


Ateliers du Languedoc


LES ETABLISSEMENTS PAULY FRERES

Les établissements Pauly font parti de ces nombreux établissements qui se développent dans la ville pour répondre aux nécessités de la guerre. Quelques années avant le début du conflit, la fonderie Pauly Frères était installée rue Boulbonne et limitait sa production à des séries de robinets et autres appareils vinicoles. A la déclaration de guerre, les ateliers ont déjà déménagé pour des locaux plus vastes, à l'ombre de la tour des Cordeliers. La maison Pauly Frères, spécialisée dans la fabrication de pièces métalliques en bronze, oriente alors sa production vers la fabrication de moyeux de canons et d'appareils de pointage pour l'artillerie. Une des grosses difficultés de l'époque consiste à s'approvisionner en cuivre. Grâce à l'ingéniosité de ses dirigeants, la maison Pauly Frères parvient à maintenir sa production à un niveau élevé en raflant littéralement, dans la campagne environnante, tous les chaudrons en cuivre disponibles. L'accroissement de ses activités va la contraindre à déménager une nouvelle fois pour le " Pont-des-Demoiselles " où elle s'installe durant la guerre sur un site de 13 000 mètres carrés. La nouvelle usine compte de nombreux ateliers, une fonderie capable de traiter quotidiennement 5 000 kilos de cuivre, et un parc de plus de 50 machines-outils. De 1914 à 1918, les Etablissements Pauly Frères vont couler près d'un million de kilos de bronze et fournir seize mille moyeux de canons ou d'avant-trains pour le compte de la défense nationale.


Atelier des établissements Pauly-Frères






Cartographie des années 1930 reprise comme fond de carte par le BRGM.



A la fin de la première guerre mondiale, les stocks inutilisés étaient énormes. Non seulement, la France en avait produit mais les alliés et notamment les américains avaient également fourni des stocks considérables qui sont restés inexploités à la signature de l'armistice du 11 Novembre 1918 dans le wagon de la Rethonde.

Pendant les quatre années qui suivirent, ce sont des dizaines de milliers d'obus entiers qui prirent, en carriole, le chemin de la "déchetterie". Et cette "déchetterie" était tout simplement les terrains voisins de la poudrerie : la zone des ballastières.
Tout était versé grossièrement dans ce secteur humide et énormément travaillé par l'extraction des sables qui ont formé les ballastières.

Le secteur le plus concerné par ces dépôts est bien entendu la zone des quatre ballastières actuelles au Sud d'AZF mais aussi le bois qui se trouve au Nord de ces ballastières juste avant la digue de Caveletade. Ce bois couvre une ancienne et première ballastière également creusée lors de la première guerre mondiale (Ballastière N° 0).

Il est important de noter que ce déversement en masse d'obus complets est occulté depuis 1918 par les autorités qui n'ont officiellement parlé depuis 1922 que de stockage contrôlé de nitrocellulose.

On peut détecter l'emplacement de l'ancienne ballastière par le bois qui la recouvre qui sur une photographie aérienne infra-rouge met en évidence une superficie bien déterminée exactement sur l'ancienne ballastière. Les arbres sont régulièrement plantés. Ce sont des feuillus légers essentiellement constitués de peuplier capables de prendre facilement racine sur un terrain très humide.


Photographie aérienne de 1984 Infra-rouge pour l'Inventaire National Forestier



On voit très bien cette limite de ballastière, sur la photographie aérienne du site internet local.live.com prise dans l'hiver 2000-2001.


Photographie aérienne de Janvier 2001 diffusé par Local Live-Google



Le 10 Juillet 1944, sur une photographie aérienne d'origine militaire, on peut sans problème distinguer un grand champ à la place du bois actuel et à la place de la ballastière N°0 présente en 1918.


Extrait de la photographie aérienne militaire N°4014 du 10 Juillet 1944




En 1922, des mesures ont été prises par la Ville de Toulouse et l'Etat pour donner un caractère un peu plus écologique à ces dépôts sauvages et les ballastières furent aménagées, creusées, alimentées régulièrement. L'enfouissement n'était plus que celui de la nitrocellulose extraite de l'armement sous forme de bandelette rectangulaire enfouies de manières régulières à partir de la ballastières Sud (ballastières N°3) jusqu'à la ballastière N°1 au Nord. Une ballastière N°4 fut également exploitée plus au Sud sur le domaine des Sables d'Auzun.

Non seulement ce secteur recèle en sous-sol un immense dépotoir d'obus, de poudres et diverses objets métalliques qui sont loin d'avoir été récupérés mais l'enfouissement lui-même de la nitrocellulose qui a duré des dizaines d'années concerne une hauteur de fond sous les ballastières qu'il est très difficile d'évaluer sans une investigation des plus poussées.

Au total, plus de 46000 Tonnes de nitrocellulose furent enfouis. La ballastière Sud en possède le plus. Cette estimation a été faite par le Servie de Déminage de Montpellier en 2000.

En 2004, un nouveau rapport de la DGA fournit une autre évaluation qui miraculeusement s'est restreinte à 5000 Tonnes : DGA Diaporama.pdf

Ce chiffre est celui pris en compte officiellement aujourd'hui par les autorités de l'Etat et par la ville de Toulouse. C'est sur cette base que les travaux de nettoyage du site des ballastières ont été évalués et permettront au nouveau Cancéropôle d'avoir un environnement "salubre" dans un temps acceptable.

Le rapport de la DGA est extrêmement intéressant puisqu'il contredit, même en soustrayant les quelques quantités de poudres facilement récupérables dans les années 1973-75, des tonnages évalués avant enfouissement par l'armée dans les années 1920 qui dépassait allègrement les 10000 Tonnes pour une des ballastières (cf Revue N° 37 ARCHISTRA de l'historien Pierre Saliès".

En plus des 46000 tonnes, déjà sous-évaluées à cause d'un enfouissement ancien mal connus, il faut rajouter les milliers d'obus entiers enfouis à même sur ce secteur avant même le traitement séparant la nitrocellulose et on commence à avoir une idée de la véritable "poubelle explosive et insalubre" qui continuera à dormir à côté d'un Cancéropôle ultra-moderne.


En 1928, L'ONIA pris place sur une partie des terrains de la Poudrerie Nationale (rive Ouest de la Garonne).

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l'activité traditionnelle de la poudrerie s'est axée sur les poudres et explosifs et a donné naissance à la SNPE actuelle Société Nationale des Poudres et Explosif. Fer de lance de la recherche et de la production de produit chimique civil et militaire, la SNPE - Toulouse étendit sa production vers des carburants hautement explosifs pour les programmes spatiaux et les missiles.
Le secteur des ballastières resta tel quel avec quelques activités ponctuelles ici où là liée au pôle chimique qui prenait de l'ampleur avec la modernisation de l'agriculture et le développement des nitrates.
Tolochimie, dans le coin Sud-Ouest des ballastières fut créée dans les années 1970 comme extension de la SNPE et surtout comme producteur de Phosgène.

Mais d'une manière générale, à part la mise à disposition de terrains déserts et abandonnés pour quelques manoeuvres militaires classiques, tout ce secteur ne semblait plus intéresser le Ministère de la Défense.


Le désintérêt officiel fut tel que ces terrains furent gracieusement cédé à Grande Paroisse en 1987 avec tout de même un protocole d'exploitation qui permettait à l'armée de faire ce qu'elle voulait sur ces terrains et notamment de continuer d'entretenir les ballastières.

Le personnel d'AZF ne fut jamais concerné par ces terrains. Aucune extension de l'usine d'AZF n'eut lieu sur ces terrains.

Seule la gestion par EDF-RTE des deux lignes haute-tension 225 kV Onia 1 et Onia 2 qui passaient de part et d'autres du secteur des ballastières intéressait indirectement l'usine qui utilisait ces lignes.


Emprise de tous les terrains d'AZF



Les militaires ne gardèrent que la zone de Braqueville remplis de vieux bâtiments à l'abandon situés juste à l'Ouest de la zone des ballastières.

La limite de propriété était définie par la rivière qui s'écoulait du Sud vers le Nord entre ces deux zones.

La liaison SNPE-Tolochimie, avec notamment la conduite de Phosgène, contournait ce secteur des ballastières par le Nord-Ouest et l'Ouest.


I-6 Les problèmes de sécurité des années 1990 et 2000 :

A la fin des années 1990, le problème des ballastières refit surface à la suite d'événements particuliers qui montraient tout simplement que des Toulousains pouvaient facilement réaliser des bombes et autres engins dangereux en récupérant la nitrocellulose dans ces ballastières.

Les terrains étaient très mal contrôlés... AZF, qui n'était pas censé détenir le contenu de ces ballastières n'avait pas à sa charge ce contrôle strict et se bornait à la présence d'une simple clôture autour de ce secteur devenu le paradis sauvage des lapins, des biches et des sangliers et également celui des pêcheurs et autres promeneurs désireux de goûter à la nature et au silence à côté du centre-ville.

46000 tonnes de nitrocellulose enfouies dans quelques mètres d'eau sont parfois partiellement mis à jour lors des sécheresses et deviennent un stock idéal pour tous les chimistes amateurs de sensations fortes.

Ce problème était connu des habitants de Toulouse et notamment du quartier du Mirail qui savaient que plusieurs explosions "festives" avaient été préparées avec cette production locale à disposition.

Des mesures plus strictes avaient été mise en place par AZF en 1998 pour renforcer et compléter les clôtures aux abords de ces ballastières.

Mais les vols continuèrent et l'été 2000, des journalistes de France 3, se sont même permis de réaliser l'expérience de revenir avec plusieurs kilos de nitrocellulose après avoir franchi une propriété difficile à entièrement clôturer à cause des rives de la Garonne et de la Saudrune.

Il a fallu attendre la catastrophe du 21 Septembre 2001 pour que tout soit redéfini.
L'armée a repris la propriété et la responsabilité des terrains concédés auparavant à AZF. Des clôtures militaires furent installées avec au moins une caméra à l'entrée de la zone.

Seul un terrain privé le long de la ligne HT Onia 2 et de la Garonne demeure facilement accessible et permet non seulement d'atteindre le bois qui a recouvert la ballastière Nord d'autrefois mais également des anciennes installations militaires.

Le franchissement des clôtures militaires autour des ballastières dans les secteurs fortement boisés est encore réalisable en toute discrétion même si la ballastière qui contient le plus de nitrocellulose est, elle, entourée d'une clôture extrêmement dégagée.

Suite à la catastrophe de Toulouse, la SNPE ne réalise finalement officiellement plus aucune production dans ce secteur militaire à Toulouse et seule sa filiale ISOCHEM demeure dans le domaine des produits de chimie fine.